1889. Ce nombre ne tient pas de place anodine dans l’histoire de la mode française : c’est l’année où une jeune femme déterminée, Jeanne Lanvin, pose la première pierre d’un empire qui traversera les âges et les révolutions esthétiques. Aujourd’hui encore, le nom Lanvin résonne, porté par les voix de ses créateurs successifs, chacun ayant marqué de son empreinte une aventure aux multiples visages.
Aux origines de Lanvin : l’histoire d’une maison pionnière de la mode française
Paris, à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Au 22 rue du Faubourg Saint-Honoré, Jeanne Lanvin s’impose discrètement, mais sûrement, dans le paysage feutré des maisons de couture. Sa notoriété grandit au fil des années, d’abord grâce aux robes qu’elle dessine pour sa fille Marguerite. Rapidement, les mères les plus en vue de la société parisienne passent commande, séduites par la fraîcheur et l’élégance de ses créations. La boutique devient alors un lieu de rendez-vous privilégié pour celles qui veulent conjuguer raffinement et modernité.
Très vite, Lanvin dépasse le cercle des initiées. La maison étoffe ses collections, explore de nouveaux territoires et s’impose comme un acteur incontournable dans un univers jusqu’alors dominé par quelques grandes signatures. Jeanne Lanvin cultive un goût prononcé pour les matières nobles, les ornements délicats et les détails soignés, puisant dans les savoir-faire traditionnels pour sublimer chaque pièce. En 1924, elle ouvre un nouveau chapitre en créant Lanvin Parfums. Cette diversification la propulse encore plus loin. Le parfum Arpège, conçu par Armand Albert Rateau et habillé d’un dessin de Paul Iribe à l’effigie de Jeanne et sa fille, devient un emblème de la maison. Autour d’elle, un cercle d’artistes, de décorateurs et de dessinateurs s’étoffe, créant une effervescence créative rare pour l’époque.
Quelques repères pour mieux cerner la trajectoire de cette maison fondatrice :
- 1889 : Fondation de la maison Lanvin par Jeanne Lanvin
- 1924 : Création de Lanvin Parfums
- 1937 : Lancement du parfum Arpège, devenu mythe olfactif
- Faubourg Saint-Honoré : Adresse historique et cœur battant de la maison
Ici, l’histoire de la couture française s’écrit à travers une aventure familiale, portée par le regard visionnaire de Jeanne Lanvin. Elle insuffle un esprit singulier, fait de tradition, d’audace et d’une fidélité sans faille à l’élégance parisienne.
Jeanne Lanvin, visionnaire et fondatrice : quel héritage a-t-elle laissé ?
Dans le panthéon des grands noms de la mode, Jeanne Lanvin occupe une place qui force le respect. Son parcours commence avec l’amour qu’elle porte à sa fille Marguerite, mais très vite, il prend une dimension universelle. Elle impose une vision de la féminité tout en subtilité, où chaque création reflète le goût du détail et l’exigence d’une beauté à la fois pure et pratique. Les collections qu’elle signe témoignent d’une cohérence rare, d’une recherche constante de l’équilibre entre innovation et tradition.
Mais Jeanne Lanvin ne se contente pas d’habiller. Elle imagine un art de vivre. En lançant Lanvin Parfums en 1924, elle franchit une étape décisive : offrir aux femmes une expérience totale, où l’odeur devient signature autant que la silhouette. Arpège, le parfum iconique lancé en 1937, cristallise cet esprit. Derrière son flacon dessiné par Armand Albert Rateau et orné du croquis de Paul Iribe, c’est toute la tendresse d’une mère pour sa fille qui transparaît. Ce lien familial, rare dans le monde de la couture, fait la singularité de Lanvin.
| Année | Événement |
|---|---|
| 1924 | Création de Lanvin Parfums |
| 1937 | Lancement du parfum Arpège |
L’influence de Jeanne Lanvin déborde largement le domaine de la mode. Elle fédère autour d’elle une génération d’artistes, d’artisans et de femmes à la personnalité affirmée. Aujourd’hui encore, la maison Lanvin reste un témoin vivant de l’engagement d’une créatrice pour la liberté, l’audace et la diversité des femmes.
Alber Elbaz et la renaissance de Lanvin au XXIe siècle
L’arrivée d’Alber Elbaz en 2001 à la direction artistique de Lanvin marque un tournant magistral. Appelé par Shaw-Lan Wang, il pose d’emblée les bases d’un nouveau langage : placer la femme au centre, concevoir la mode comme un terrain d’émancipation et de plaisir. Son style, reconnaissable entre tous, joue sur la fluidité, le drapé instinctif et des couleurs franches. La robe cocktail, pièce maîtresse de son répertoire, conquiert aussi bien les podiums que les tapis rouges, habillant Natalie Portman, Meryl Streep, Nicole Kidman ou Cate Blanchett.
Alber Elbaz n’a jamais cherché à s’enfermer dans un héritage figé. Il multiplie les collaborations, comme celle avec H&M en 2010, ou encore avec Tod’s et Converse, prouvant que l’exigence peut rimer avec accessibilité. Il insuffle à Lanvin une énergie nouvelle, faite de simplicité savamment étudiée, de générosité dans la coupe et d’un humour discret, perceptible jusque dans les campagnes publicitaires. Le dialogue avec la rue s’établit sans jamais diluer la sophistication propre à la maison.
Quelques repères pour apprécier le parcours d’Alber Elbaz à la tête de Lanvin :
- Directeur artistique de 2001 à 2015
- Prix du CFDA du créateur étranger de l’année
- Légion d’Honneur
Né à Casablanca, formé en Israël, aguerri à New York auprès de Geoffrey Beene, passé par Guy Laroche et Yves Saint Laurent, Alber Elbaz rassemble dans son itinéraire une somme d’expériences et de cultures qui lui permettent de réinventer Lanvin sans jamais trahir son esprit. Sa disparition brutale en 2021, alors qu’il lançait AZ Factory avec Richemont, laisse l’empreinte d’un créateur qui a replacé Lanvin au cœur de la scène internationale, tout en restant fidèle à une vision profondément humaine de la mode.
Entre tradition et renouveau : comment Lanvin s’impose aujourd’hui sur la scène internationale ?
En 2018, le groupe Fosun prend les rênes de la maison Lanvin, insufflant une nouvelle dynamique. Finies les postures nostalgiques : le nouveau propriétaire mise sur la richesse du patrimoine et la faculté de la marque à se métamorphoser. Les passages successifs à la direction artistique de Bouchra Jarrar, Olivier Lapidus puis Bruno Sialelli témoignent d’une volonté de réinventer l’héritage sans le renier. Le défi est clair : conjuguer l’élégance héritée de Jeanne Lanvin avec les exigences d’un marché mondial en perpétuelle mutation.
La nomination de Bruno Sialelli, jeune créateur issu de Loewe, marque une étape. Sa lecture des archives s’aventure vers un territoire plus ludique, entre clins d’œil pop et coupes structurées. Il s’efforce de marier innovation et respect de l’ADN Lanvin. Les collections, présentées à Paris, touchent de nouveaux publics. Les accessoires, segment stratégique, gagnent du terrain, tandis que la communication s’adapte à une clientèle internationale, notamment en Asie, où Lanvin accélère son développement.
| Propriétaires récents | Période |
|---|---|
| L’Oréal | 1996-2001 |
| Shaw-Lan Wang | 2001-2018 |
| Fosun | 2018-… |
Le rachat par Fosun, également à la tête de Club Méditerranée et La Perla, propulse Lanvin sur de nouveaux marchés. L’objectif : grandir à l’international sans dénaturer la créativité parisienne qui fait la force de la maison. Lanvin avance désormais sur deux fronts : préserver ce qui fait sa singularité tout en s’adaptant aux défis d’une mode mondialisée. Plus d’un siècle après sa naissance, la maison continue d’écrire une histoire où héritage et renouveau s’équilibrent, sans jamais se ressembler d’une saison à l’autre. La mode n’oublie pas ceux qui osent, et Lanvin n’a jamais cessé de surprendre.


