Non binaire : comment dire beau sans genre ? Conseils et astuces

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Le français n’a pas le don d’ubiquité : chaque compliment, chaque adjectif, se range implacablement dans la colonne masculin ou féminin. Difficile de faire mieux pour offrir un terrain miné à celles et ceux qui souhaitent s’adresser à une personne non binaire sans la forcer dans une case. Plusieurs langues, pourtant, ont déjà pris le virage du neutre. En France, le pronom « iel » s’invite de plus en plus dans les conversations, mais accorder les adjectifs ou complimenter sans genrer relève encore du casse-tête quotidien.

Face à cet état de fait, des citoyen·nes imaginent des alternatives, empruntant tantôt au langage inclusif, tantôt aux pratiques créatives de la communauté LGBTQI+. De nouvelles expressions apparaissent, se diffusent sur les réseaux ou dans les cercles militants, mais peinent à s’installer durablement. Le consensus est loin, les hésitations nombreuses, mais la recherche d’une neutralité linguistique continue de gagner du terrain.

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Pourquoi certains mots comme « beau » posent question face à la non-binarité

Le français ne laisse aucun répit : chaque adjectif, chaque marque de reconnaissance, s’accorde d’office au masculin ou au féminin. « Beau » pour un homme, « belle » pour une femme, pas d’espace pour celles et ceux qui refusent cette dichotomie. Ce n’est pas un détail technique : c’est une question de reconnaissance, d’identité, de visibilité. Le genre grammatical guide les mots, structure les échanges, pèse sur chaque interaction.

La non-binarité, c’est un spectre d’identités : agenre, genderfluid, bigenre, demi-genre, et d’autres encore. Toutes échappent à la logique binaire qui imprègne la langue française. Or, notre grammaire impose deux seules options pour les accords, là où d’autres idiomes flirtent avec le neutre ou inventent des pronoms qui ne se plient à aucun des deux genres habituels.

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En France, la discussion s’enflamme régulièrement. D’un côté, la tradition s’accroche ; de l’autre, des voix réclament que la langue évolue. L’officialisation du pronom « iel » dans Le Petit Robert a fait grand bruit en 2021, pendant que l’Académie française s’enferme dans son refus de toute innovation en la matière. Le président Emmanuel Macron, lui, a résumé d’un trait : « Dans cette langue, le masculin fait le neutre ». Une déclaration qui laisse sur le bord de la route bien des personnes concernées.

Mot épicène ou mot intrinsèquement genré : une distinction capitale

Pour mieux comprendre, il faut distinguer deux familles de mots, chacune avec ses propres usages et limites :

  • Mot épicène : il garde la même forme quel que soit le genre, comme « artiste » ou « élève ».
  • Mot intrinsèquement genré : il change selon le genre, à l’image de « beau/belle ».

Les adjectifs épicènes sont rares, ce qui complique la tâche de qui veut dégenrer son langage. Pour contourner l’obstacle, des militant·es proposent des accords dégenrés, des points médians, ou inventent des mots nouveaux. Malgré tout, la résistance persiste, aussi bien dans le langage officiel que dans les usages du quotidien.

Quels pronoms et accords utiliser pour respecter toutes les identités de genre ?

Au-delà du duo « il » et « elle », un éventail de néo-pronoms commence à s’installer dans le français contemporain : « iel », « ael », « ol », « ul », « ellui », « ille ». Parmi eux, « iel » est celui qui a le plus franchi les portes des dictionnaires. Mais l’inscription dans Le Petit Robert ne suffit pas à imposer l’usage, ni à résoudre la question des accords. À chaque personne de choisir le pronom qui lui correspond, et c’est là tout l’enjeu : la liberté de se nommer, sans contrainte extérieure.

L’écriture inclusive propose des outils pour dépasser le piège binaire du masculin et du féminin. Les accords dégenrés (comme « toustes content·es »), les adjectifs épicènes, ou l’emploi du point médian, autant de pistes pour que chacun·e puisse se sentir représenté·e. Parfois, on neutralise totalement : « l’élève est ravi·e » devient « l’élève est ravi·e·x » ou « l’élève est heureux·se ». Cette pluralité d’approches traduit un besoin de représentation, même si le débat s’enlise souvent dans des affrontements idéologiques.

Les langues étrangères n’hésitent pas à expérimenter. L’anglais utilise « they » au singulier, l’allemand crée « sier », « xier », le suédois adopte « hen ». En français, la créativité progresse à petits pas, sans validation institutionnelle. Pourtant, dans les collectifs militants, sur internet, chez les plus jeunes, ces usages prennent racine. Employer pronoms neutres et accords inclusifs, c’est reconnaître la complexité des identités, sans les forcer dans un moule dépassé.

Des alternatives créatives pour complimenter sans genrer

Complimenter une personne non binaire en français, c’est slalomer entre les pièges du masculin et du féminin. « Beau » ou « belle » ? Impossible de faire disparaître la barrière. Mais la langue n’est pas figée. Des solutions émergent, portées par l’inventivité collective. Miser sur les adjectifs épicènes offre une réponse immédiate : « magnifique », « splendide », « formidable », « remarquable », « impressionnant »… Ces mots n’ont pas besoin de choisir un camp.

Certains vont plus loin et optent pour des adjectifs inattendus, mais tout aussi valorisants : « solaire », « rayonnant », « inspirant », « lumineux ». Ces détours évitent l’écueil des mots intrinsèquement genrés. D’autres encore inventent, expérimentent, bricolent des néologismes : « beau·el », « bellx », « beaul », « bel ». Ces formes se glissent parfois dans les discussions privées, sur les réseaux, dans des communautés où la souplesse linguistique est la règle.

Voici quelques pistes concrètes, issues de la pratique ou de la créativité collective :

  • Mots épicènes : magnifique, extraordinaire, unique.
  • Néologismes : beaul, bellx.
  • Compliments détournés : « tu as du style », « ta présence est précieuse », « quel charisme ».

La langue s’ajuste, évolue, propose des chemins de traverse. Complimenter sans assigner, c’est aussi choisir de mettre en avant la personnalité, l’énergie, la singularité d’une personne : « remarquable », « inoubliable », « captivant ». En préférant le mot épicène ou le compliment sur-mesure, on dessine un espace où chaque identité s’exprime, loin des carcans.

genre neutre

Favoriser un langage inclusif au quotidien : conseils pour soutenir les personnes non-binaires

Adopter un langage inclusif, c’est choisir la précision, l’attention, la considération de chacun·e. La langue se transforme peu à peu, portée par une volonté d’ouverture et de visibilité pour toutes les identités. Privilégier les mots épicènes, les accords dégenrés, les points médians (« ami·e », « professeur·e », « chacun·e ») enrichit la palette des possibles sans forcer le trait. La créativité lexicale se manifeste partout : dans les communautés militantes, sur les réseaux, dans la culture populaire. Des œuvres comme Appelez-moi Nathan, la série Orange is the New Black, ou l’engagement d’artistes comme Chris (ex-Christine and the Queens) et Bilal Hassani, contribuent à diffuser ces nouveaux repères.

Quelques gestes simples :

  • Demander et respecter les pronoms préférés de chaque personne, dans tous les contextes.
  • Privilégier des formulations neutres : remplacer « Bonjour à toutes et à tous » par « bonjour à tou·te·s ».
  • Relire ses messages, traquer les généralisations, et introduire systématiquement des alternatives inclusives.

La dynamique ne s’arrête pas à la langue : la visibilité sur les réseaux sociaux, le soutien de la communauté LGBTQI+, l’usage du drapeau non-binaire, jaune, blanc, violet, noir, imaginé par Kye Rowan en 2014, accompagnent cette évolution. Les résistances demeurent, l’institution reste prudente, mais la société avance. Donner sa place à une personne non binaire, c’est offrir un langage qui accueille sans assigner, qui inclut sans condition. La langue, loin d’être un mur, peut devenir une porte ouverte sur toutes les identités.